A
l'ombre du POLAR
Historique du polar et de quelques collections
françaises
célèbres, fiches biographiques sur des auteurs, chroniques, dossiers… Une
bonne introduction générale pour ceux qui veulent aborder le genre.
Blaise
PASCAL Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora
Pier Paolo
PASOLINI
Pier
Paolo PASOLINI (1)
Chronologie et Bibliographie
par Maria Antonietta Macciochi.
Textes de Enzo Siciliano, Alberto Moravia, Hervé Joubert-Laurencin,
Nico Naldini. Le dossier comprend de nombreuses citations comme
des extraits de la correspondance.
Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org
Pier
Paolo Pasolini (2) /nombreuses
langues/
Ce site consacré à la vie et à l'œuvre de Pier Paolo Pasolini
existe en plusieurs langues.
Sur la version française, vous trouvez une présentation de la vie et l'œuvre
de Pasolini et des textes de Pasolini. (26-01-03)
___________
Boris
PASTERNAK
Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org
Jean
PAULHAN
" Comment
concilier l’éditeur et le directeur de la NRF qui a rayonné au centre des lettres
françaises pendant près de cinquante ans, le citoyen engagé, l’amateur d’art
moderne, en même temps que l’écrivain secret, auteur d’une trentaine de livres
aux titres souvent énigmatiques, avant tout curieux de traverser les apparences,
possédé par la question du langage ?" " Paulhan
le chercheur d’or, Paulhan l’éminence grise, Paulhan le Chinois, Paulhan le coupeur
de cheveux de chauve, Paulhan le cruel, Paulban I’enzymatique, Paulhan la huitième
merveille du monde, Paulhan le subversif, Paulhan le danseur intellectuel...
j’en passe, j’en passe. Ce ne sont pas les renseignements qui manquent. Rien à dire.
Que d`hommes en un! A se demander s’il existe." Biographie de Jean-Yves Pouilloux : Dictionnaire
des auteurs. Frédéric J; Grover : Six entretiens avec André Malraux sur des écrivains
de son temps (1959-1975). Madeleine Chapsal : Quinze écrivains: entretien avec
Paulhan. Textes de Roger Judrin, André Dhôtel, Georges Perros . Lettres aux directeurs
de la Résistance. Bibliographie détaillée d'André Dhôtel. Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org
Charles
PÉGUY Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora
Georges PEREC
Georges
PEREC
Réalisé avec le concours de l'Association Georges Perec, ce site se présente
comme une immense base de données recensant toutes les études (ouvrages, articles,
thèses, mémoires...) effectuées autour de l’œuvre de Georges Perec, en France
et à l’étranger. Ces études, dont certaines sont accessibles en ligne, sont classées
en trois catégories : « ouvrages », « transverses » (thématiques chères à l’auteur
de La vie mode d’emploi), et « traces » (biographie, autobiographies, monographies.
Dans une seconde partie, l’auteur de ce site s’est amusé à illustrer Les voyages
de Percival Bartlebooth, extrait de La vie mode d’emploi, en proposant,
pour chaque étape du fameux voyage, un lien vers une page relative à la destination évoquée.
Georges
Perec : à corps perdus par Raoul
Delemazure (16-01-13)
Pistes
vers Georges PEREC (22-02-04)
Dossier
Georges PEREC Remue.net. (14-11-04)
Manet
van Montfrans / Georges Perec: visite au cabinet du falsificateur Remue.net (14-11-04)
Georges
PEREC, Un homme qui dort,1967, premières
pages.
Georges
PEREC, La Disparition, avant-propos
Georges
PERROS
Georges
PERROS
" Un
corps. J’ai un corps. Vous avez un corps. Nous… Qui a la parole. Alors je parle,
etc. Pendant que je parle, etc. le corps bouge. Si je mens, il rougit. Qui le
fait rougir ? Y aurait-il par hasard — ce serait le contraire du hasard — un
rapport entre les mots que je prononce, et la caverne dans laquelle ils se forment,
prennent corps. (De là à ne plus du tout écouter les hommes, mais à les regarder,
il n’y a qu’un pas, malheureusement infranchissable. Car les regarder, c’est
se regarder les regardant." Notes
d'enfance par G Perros. Biographie par Gilbert Minazzoli. Textes de Jean Roudaut,
Guy Darol, Jérôme Garcin, Jean-Marie Gibbal, Christiane Baroche, Bernard Guillemot.
Georges Perros : Lettre Préface. Bibliographie
sélective. Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org
Georges
PERROS
Actualité, bibliographie, liens, textes en ligne. Un site
d'amateur pour un écrivain injustement méconnu qui
mérite vraiment le détour et surtout de reprendre
ses "Papiers collés. . (25-12-04)
Fernando
PESSOA
Extrait
d'une oeuvre
Fernando
PESSOA Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora.
Association
des amis de Fernando PESSOA
Recueil de textes qui informent sur le travail de cet
écrivain.
___________
Robert
PINGET Textes et ressources publiés sur
le site remue.net (16-05-04)
Luigi
PIRANDELLO
Luigi
PIRANDELLO, Le
Portail
Le portail incontournable sur Pirandello en italien.
L'intégralité de l'œuvre (poésie, théâtre, romans, nouvelles, essais,
etc.) de Pirandello y est en accès libre (pour un usage personnel
et non commercial). Est également proposée une biographie détaillée
de l'écrivain.
Tous les lecteurs italianisants auront également la surprise de trouver également
sur ce site l’intégralité des nouvelles de Giovanni Verga, l'un des fondateurs
du mouvement vériste italien. (14-04-03)
Luigi
PIRANDELLO Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora.
__________
Harold
PINTER / anglais /
Prix Nobel de Littérature 2005. Le site, en anglais, propose
une biographie de l'auteur né 1930, ainsi qu'un tour d'horizon
détaillé de son oeuvre, tant dans le domaine du cinéma,
de la prose, du théâtre ou de la poésie. On consulte également
des notes personnelles de Harold Pinter, des liens, une actualité et
bien d'autres informations intéressantes. (07-08-06)
Edgar
Allan POE Dossier de l'Encyclopédie de
l'Agora.
Edgar Allan Poe (1809-1849) Le
Démon de Perversité traduction de Charles
Baudelaire. Texte en ligne (23-08-07)
Francis
PONGE
Repères chronologique par Eric Pellet. Entretien avec
Serge Koster. Textes de Anna Balakian,
J.M Gleize, Jacques
Réda, Francis
Ponge, Robert W. Greene. Bibliographie
de Serge Koster. Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org
Jean
Potocki Dossier La Revue des ressources.
(18-02-05)
Harry
Potter Lexico
L'un des sites les plus complets consacrés à Harry
Potter (30-06-08)
Vladimir
POZNER
Le site propose des extraits de presse sur l'écrivain du
XXème siècle et alertera l'internaute de tous les
évènements tournant autour de l'artiste, notamment
durant l'année 2005, année du centenaire de sa naissance.
On y trouve ses livres, et des témoignages de personnalités
telles qu' Aragon, Breton,Caldwell, Cendrars, Chklovski, Kessel,
Mann, Soupault, etc. (30-03-06)
Marcel
PROUST
Marcel
PROUST
Société des amis de Marcel de Proust et des Amis de Combray. L'actualité de
Proust. Extraits
de l'oeuvre.
Marcel
PROUST Centre de recherches Kolb/Proust
Université de l'Illinois. Nous
devons à Philip Kolb, universitaire américain, l'étude et la publication
de la correspondance de Marcel Proust. Une partie de ces documents
est accessible aux chercheurs et aux étudiants, grâce à une base
textuelle interrogeable sur ce site. Deux fichiers sont consultables
: l’un est bibliographique (période 1884-1991), l’autre est chronologique
et rassemble les épisodes de la vie de Proust et de ses proches,
datés de manière certaine (période 1844-1909). Au sommaire également,
la présentation du centre Philip Kolb et de ses autres ressources
(non encore mises en ligne), une brève biographie littéraire de Marcel
Proust, les fameux questionnaires, des ouvrages de base sur l'écrivain,
une page de liens très fournie et une page dédiée au suivi de l'actualité proustienne.
Marcel
PROUST, l'écriture et les arts (31-03-13)
Exposition à la BNF
Marcel
PROUST, Dossier
de l'Encyclopédie de l'Agora.
Ressources françaises et étrangères. (23-04-03)
Céleste
ALBABRET (dernière "femme de chambre" de Marcel
Proust), extraits d'un témoignage publié en 1971.
NOUVEAU (07-03-04)
Marcel
PROUST
Dossier
de Thierry Laget pour l'ADPF, Ministère des Affaires
Etrangères.
(17-10-04)
"Marcel
Proust, exemplaire" par Jean-Yves Tadié conférence
______________
Olivier
PY
Un dossier du site Remue.net
(16-10-05)
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
Liens
brisés
©
LittératureS & CompagnieS
R31-03-13
|
Marcel Proust
A la recherche du temps perdu
Il n'y a rien comme le désir pour
empêcher les choses qu'on dit d'avoir aucune ressemblance avec
ce qu'on a dans la pensée. Le temps presse, et pourtant il semble
qu'on veuille gagner du temps en parlant de sujets absolument
étrangers à celui qui nous préoccupe. On cause alors que la
phrase qu'on voudrait prononcer serait déjà accompagnée d'un
geste, à supposer même que, (pour se donner le plaisir de l'immédiat
et assouvir la curiosité qu'on éprouve à l'égard des réactions
qu'il amènera) sans mot dire, sans demander aucune permission,
on n'ait pas fait ce geste.
Il semble que les événements soient
plus vastes que le moment où ils ont lieu et ne peuvent y tenir
tout entiers. Certes, ils débordent sur l'avenir par la mémoire
que nous en gardons, mais ils demandent aussi une place au temps
qui les précède. Certes, on dira que nous ne les voyons pas
alors tels qu'ils seront, mais dans le souvenir ne sont-ils
pas aussi modifiés?
Mais même au point de vue des plus
insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout
matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont
chacun n'a qu'à aller prendre connaissance comme d'un cahier
des charges ou d'un testament; notre personnalité sociale est
une création de la pensée des autres. Même l'acte si simple
que nous appelons "voir une personne que nous connaissons"
est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l'apparence
physique de l'être que nous voyons de toutes les notions que
nous avons sur lui, et dans l'aspect total que nous nous représentons,
ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent
par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence
si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer
la voix comme si celle-ci n'était qu'une transparente enveloppe,
que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons
cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous
écoutons.
Fernando Pessoa Le
livre de l'intranquillité
traduit
du portugais par Françoise Laye
Personne encore n'a défini, dans un langage pouvant
être compris de ceux-là mêmes qui n'en ont jamais fait l'expérience,
ce qu'est l'ennui. Ce que certains appellent l'ennui n'est que
de la lassitude; ou bien ce n'est qu'une sorte de malaise; ou
bien encore, il s'agit de fatigue. Mais l'ennui, s'il participe
en effet de la fatigue, du malaise et de la lassitude, participe
de tout cela comme l'eau participe de l'hydrogène et de l'oxygène
dont elle se compose. Elle les inclut, sans toutefois leur être
semblable.
Si la plupart donnent ainsi à l'ennui un sens restreint et incomplet,
quelques rares esprits lui prêtent une signification qui, d'une
certaine façon, le transcende: c'est le cas lorsqu'on appelle
ennui ce dégoût intime et tout spirituel qu'inspirent la diversité
et l'incertitude du monde. Ce qui nous fait bâiller, et qui est
la lassitude; ce qui nous fait changer de position, et qui est
le malaise; ce qui nous empêche de bouger, et qui est la fatigue
- rien de tout cela n'est vraiment l'ennui; mais ce n'est pas
non plus le sens profond de la vacuité de toute chose, grâce auquel
se libère l'aspiration frustrée, se relève le désir déçu et se
forme dans l'âme le germe d'où naîtra le mystique ou le saint.
L'ennui est bien la lassitude du monde, le malaise de se sentir
vivre, la fatigue d'avoir déjà vécu; l'ennui est bien, réellement,
la sensation charnelle de la vacuité surabondante des choses.
Mais plus que tout cela, l'ennui c'est aussi la lassitude d'autres
mondes, qu'ils existent ou non; le malaise de devoir vivre, même
en étant un autre, même d'une autre manière, même dans un autre
monde; la fatigue, non pas seulement d'hier et d'aujourd'hui,
mais encore de demain et de l'éternité même, si elle existe -
ou du néant, si c'est lui l'éternité.
Ce n'est pas seulement la vacuité des choses et des êtres qui
blesse l'âme, quand elle est en proie à l'ennui; c'est aussi la
vacuité de quelque chose d'autre, qui n'est ni les choses ni les
êtres, c'est la vacuité de l'âme elle-même qui ressent ce vide,
qui s'éprouve elle-même comme du vide, et qui, s'y retrouvant,
se dégoûte elle-même et se répudie.
L'ennui est la sensation physique du chaos, c'est la sensation
que le chaos est tout. Le bâilleur, le maussade, le fatigué se
sentent prisonniers d'une étroite cellule. Le dégoûté par l'étroitesse
de la vie se sent ligoté dans une cellule plus vaste. Mais l'homme
en proie à l'ennui se sent prisonnier d'une vaine liberté, dans
une cellule infinie. Sur l'homme qui bâille d'ennui, sur l'homme
en proie au malaise ou à la fatigue, les murs de la cellule peuvent
s'écrouler, et l'ensevelir. L'homme dégoûté de la petitesse du
monde peut voir ses chaînes tomber, et s'enfuir; il peut aussi
se désoler de ne pouvoir les briser et, grâce à la douleur, se
revivre lui-même sans dégoût. Mais les murs d'une cellule infinie
ne peuvent nous ensevelir, parce qu'ils n'existent pas; et nos
chaînes ne peuvent pas même nous faire revivre par la douleur,
puisque personne ne nous a enchaînés.
Voilà ce que j'éprouve devant la beauté paisible de ce soir qui
meurt, impérissablement. Je regarde le ciel clair et profond,
où des choses vagues et rosées, telles des ombres de nuages, sont
le duvet impalpable d'une vie ailée et lointaine. Je baisse les
yeux vers le fleuve, où l'eau, seulement parcourue d'un léger
frémissement, semble refléter un bleu venu d'un ciel plus profond.
Je lève de nouveau les yeux vers le ciel, où flotte déjà, parmi
les teintes vagues qui s'effilochent sans former de lambeaux dans
l'air invisible, un ton endolori de blanc éteint, comme si quelque
chose aussi dans les choses, là où elles sont plus hautes et plus
frustes, connaissait un ennui propre, matériel, une impossibilité
d'être ce qu'elles sont, un corps impondérable d'angoisse et de
détresse.
Quoi donc? Qu'y a-t-il d'autre, dans l'air profond, que l'air
profond lui-même, qui n'est rien? Qu'y a-t-il d'autre dans le
ciel qu'une teinte qui ne lui appartient pas? Qu'y a-t-il dans
ces traînées vagues, moins que des nuages et dont je doute déjà,
qu'y a-t-il de plus que les reflets lumineux, matériellement incidents,
d'un soleil déjà déclinant? Dans tout cela, qu'y a-t-il d'autre
que moi? Ah, mais l'ennui c'est cela, simplement cela. C'est que
dans tout ce qui existe - ciel, terre, univers -, dans tout cela,
il n'y ait que moi!
Fumer un
cigare de prix et rester les yeux fermés - c'est cela, la richesse.
Comme un qui revient à l'endroit où il a passé sa jeunesse,
je réussis, grâce à une simple cigarette à bon marché, à revenir
tout entier à cet endroit de ma vie où j'avais l'habitude de
fumer ce genre de cigarette. Et grâce à l'arôme léger de la
fumée, tout le passé me redevient vivant.
Parfois aussi, c'est une certaine friandise. Un simple bonbon
au chocolat peut me détraquer les nerfs, sous l'excès de souvenirs
qui viennent m'ébranler. Mon enfance ! Et mes dents qui mordent
dans la pâte sombre et moelleuse mordent aussi et savourent
à nouveau les humbles joies du gai compagnon que j'étais pour
mes soldats de plomb, ou du cavalier s'accommodant parfaitement
du roseau transformé, pour l'occasion, en cheval. Les larmes
me montent aux yeux, et je mêle à ma guise la saveur du chocolat,
le bonheur passé et mon enfance perdue, tout en m'abandonnant
voluptueusement à la douceur de cette souffrance.
Sa simplicité n'ôte rien de sa solennité à ce rituel de mon
palais.
Mais c'est la fumée de cigarette qui recrée les jours passés
avec une spiritualité particulière. C'est tout juste si elle
effleure ma conscience d'avoir un palais. C'est pourquoi elle
rassemble, transpose et évoque plus intensément les heures qu'en
moi je suis mort, et me les rend plus présentes alors qu'elles
sont plus lointaines, plus brumeuses alors qu'elles m'enveloppent,
plus éthérées quand je les matérialise. Une cigarette mentholée,
un cigare à bon marché voilent de douceur certains instants.
Avec quelle subtile plausibilité de saveur-arôme je dresse à
nouveau des décors défunts et je leur restitue les couleurs
de leur passé, toujours si délicatement dix-huitième siècle
dans son détachement malicieux et las, et toujours si moyenâgeux
dans ce qu'il comporte d'irrémédiablement aboli.
ÉCRIRE
Écrire,
c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation
indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens,
s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la
donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté ; mais
comme histoire, langage et liberté changent infiniment, la réponse
du monde à l'écrivain est infinie : on ne cesse jamais de répondre
à ce qui a été écrit hors de toute réponse : affirmés, puis mis
en rivalité, puis remplacés, les sens passent, la question demeure.
Roland Barthes, Sur Racine, Seuil ed, 1963, p11
Il
y a une division des langages, qu'aucune science simple de
la communication ne peut prendre en charge; la société, avec
ses structures socio-économiques et névrotiques intervient,
qui construit le langage comme un espace de guerre.
Roland Barthes, Bruissement de la Langue, p127
SEUL
(...)
l'écrivain est seul, abandonné des anciennes classes et des
nouvelles. Sa chute est d'autant plus grave qu'il vit aujourd'hui
dans une société où la solitude elle-même, en soi, est considérée
comme une faute. Nous acceptons ( c'est là notre coup de maître)
les particularismes, mais non les singularités ; les types,
mais non les individus. Nous créons (ruse géniale) des churs
de particuliers, dotés d'une voix revendicatrice, criarde et
inoffensive. Mais l'isolé absolu ? Celui qui n'est ni breton,
ni corse, ni femme, ni homosexuel, ni fou, ni arabe, etc. ?
La littérature est sa voix, qui, par un renversement "paradisiaque",
reprend superbement toutes les voix du monde, et les mêle dans
une sorte de chant qui ne peut être entendu que si l'on se
porte, pour l'écouter (comme dans ces dispositifs acoustiques
d'une grande perversité), très haut au loin, en avant, par-delà les écoles,
avant-gardes, les journaux et les conversations.
Roland Barthes, Sollers écrivain, p 8, Seuil ed, 1979
L'AUTRE
LANGUE
L'autre langue est
celle que l'on parle d'un lieu politiquement et idéologiquement inhabitable
: lieu de l'interstice, du bord, de l'écharpe, du boitement : lieu
cavalier puisqu'il traverse, chevauche, panoramise et offense.
Roland Barthes, Bruissement de la Langue, p200, in"L'Etrangère",1970
LA BATHMOLOGIE
La bathmologie ce serait
le champ des discours soumis à un jeu de degrés. Certains langages
sont comme le champagne : ils développent une signification postérieure à leur
première écoute, et c'est dans ce recul du sens que naît la littérature.
Roland Barthes,
Bruissement de la Langue, p 285, "Lecture de Brillat-savarin"
LE
PLURIEL DU TEXTE
Le Texte est
pluriel. Cela ne veut pas dire seulement qu'il a plusieurs sens,
mais qu'il accomplit le pluriel même du sens : un pluriel irréductible
(et non pas seulement acceptable). Le Texte n'est pas coexistence
de sens, mais passage, traversée ; il ne peut donc relever d'une
interprétation, même libérale, mais d'une explosion, d'une dissémination.
Le pluriel du Texte tient, en effet, non à l'ambiguïté de ses contenus,
mais à ce que l'on pourrait appeler la pluralité stéréographique des
signifiants qui le tissent (étymologiquement le texte est un tissu)
: le lecteur du Texte pourrait être comparé à un sujet désœuvré (qui
aurait détendu en lui tout imaginaire) : ce sujet passablement vide
se promène (c'est ce qui est arrivé à l'auteur de ces lignes, et
c'est là qu'il a pris une idée vive du Texte) au flanc d'une vallée
au bas de laquelle coule un oued (l'oued est mis là pour attester
un certain dépaysement) ; ce qu'il perçoit est multiple, irréductible,
provenant de substances et de plans hétérogènes, décrochés : lumières,
couleurs, végétations, chaleur, air ; explosions ténues de bruits,
minces cris d'oiseaux, voix d'enfants, de l'autre côté de la vallée,
passages, gestes, vêtements d'habitants tout prés ou très loin ;
tous ces incidents sont à demi identifiables : ils proviennent de
codes connus, mais leur combinatoire est unique, fonde la promenade
en différence qui ne pourra se répéter que comme différence.
C'est ce qui se passe pour le Texte : il ne peut être lui que dans
sa différence (ce qui ne veut pas dire son, individualité); sa lecture
semelfactive (ce qui rend illusoire toute science inductive-déductive
des textes : pas de "grammaire" du texte), et cependant
entièrement tissés de citations, de références, d'échos: langages
culturels (quel langage ne le serait pas ?), antécédents ou contemporains,
qui le traversent de part en part dans une vaste stéréophonie.
Roland Barthes,
Bruissement de la Langue, p73, in "De l'œuvre au texte",
1971
TEXTE
DE PLAISIR
Texte de plaisir :
celui qui contente, emplit, donne de l'euphorie ; celui qui vient
de la culture, ne rompt pas avec elle, est lié à une pratique confortable
de la lecture.
Roland Barthes,
Plaisir du Texte, 1973, p25, éd de 1982
TEXTE
DE JOUISSANCE
Texte de jouissance : celui qui met en état de perte, celui qui déconforte
(peut-être jusqu'à un certain ennui), fait vaciller les assises historiques,
culturelles, psychologiques, du lecteur, la consistance de ses goûts, de ses
valeurs, et de ses souvenirs, met en crise son rapport au langage. Or
c'est un sujet anachronique, celui qui tient les deux textes dans son champ
et dans sa main les rênes du plaisir et de la jouissance, car il participe
en même temps et contradictoirement à l'hédonisme profond de toute culture
(qui entre en lui paisiblement sous le couvert d'un art de vivre dont font
partie les livres anciens) et à la destruction de cette culture : il jouit
de la consistance de son moi (c'est son plaisir) et recherche sa
perte (c'est sa jouissance) . C'est un sujet deux fois clivé, deux fois pervers.
Roland Barthes, Plaisir du Texte, (1973), p25-26, éd de 1982
THEATRALITE
Qu'est-ce
que la théâtralité ? c'est le théâtre moins le texte, c'est une épaisseur
de signes, de sensations qui s'édifie sur la scène à partir de l'argument écrit,
c'est cette sorte de perception cuménique des artifices sensuels,
gestes, tons, distances, substances, lumières, qui submergent le
texte sous la plénitude de son langage extérieur.
Roland Barthes, "Le théâtre de Baudelaire", 1954, in
Essais Critiques, p 41
"LE
LIVRE DES RUSES" Comme
j'aimerai trouver un livre (faute de le faire moi-même) où me
seraient rappelés (sous forme d'une grande traversée historique) les
rapports de l'écrivain, le pouvoir et de l'argent ! Peut- être
l'écrivain est-il toujours dépendant (d'un autorité, d'une économie,
d'une morale, d'un sur-moi collectif, etc...). Peut-être n'écrit-il
, quel que soit le libéralisme de sa société, qu'en trichant
avec la force ? Peut-être est-elle politique perverse ? Le "Livre des
ruses", tel s'appellerait le nouveau manuel de littérature,
si ce titre n'était déjà pris.
Roland Barthes, Chroniques du Nouvel Observateur du 5/II/79
© LittératureS & CompagnieS
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