Dimanche 5 mars 2006
Pour
la plupart des êtres humains il est devenu insupportable
d’être triste, d’être fatigué,
de ne pas être enthousiaste. Plus personne n’accepte
de n’être pas bien. Ni d’attendre que cela
revienne. Il faut tout de suite aller bien à nouveau.
Et vite. Le toxico aussi est dans la vitesse. Même quand
il s’agit
d’accélérer le temps il s’agit de le
tuer, c’est toujours un rapport au temps. Le problème
est l’instant. Les gens qui viennent chercher quelque chose
veulent une réponse dans l’instant. Ils sont accrochés à l’instant.
Le deuxième problème est le lendemain.
Lundi 6 mars 2006
Ici
viennent ceux que l’on n’est pas arrivé à,
que l’on n’a pas réussi à, avec
toutes ces écoles, ces cours, ces conseils, professeurs,
parents, livres, émissions, guides, méthodes
d’éducation
et d’apprentissage, ces leçons, ces médecins,
ces infirmières, ces éducateurs, ces psychologues,
ces conseillers, ces missions d’action culturelle et
de prévention.
Dans la confusion avec application.
Parfois ceux qui viennent chercher quelque chose apportent
des cadeaux. Parfois ils hurlent. Des gobeurs se mettent
en pétard.
Ils veulent gober plus. Ils n’en ont plus.
Les êtres humains crèeront-ils un jour « les
congés payés chimiques »?
Samedi 25 mars 2006
Un toxicomane se souvient de l’expression « No dope
no hope »,
un autre toxicomane se souvient de l’expression « drogues
douces »,
un autre toxicomane se souvient de la phrase « la position
toxicomaniaque est une position d’extrême jouissance »,
un toxicomane se souvient de la phrase « les toxicomanes
sont des champions pour aller mieux »,
un toxicomane se souvient de la phrase « ils ont trouvé une
solution pour échapper au malheur en plongeant dedans »,
un toxicomane se souvient de la phrase « j’ai mangé tous
les roubignols de ma mère » (rohipnol).
Lundi 27 mars 2006
Un toxicomane ne se souvient pas bien de la phrase « le toxicomane comme
figure contemporaine du consommateur du manque de l’excès du vide
de l’amoureux de la vitesse du désir du jouisseur insatisfait
du risque de la catastrophe du déchet du rebut de l’horreur de
la panique de la peur de la pollution liée à la peur de manquer
un jour liée à la peur du vide à la peur de la mort ouf »,
Dimanche 2 avril 2006
« Nous voulons être comme vous » disent souvent les gens qui
viennent chercher quelque chose aux gens qui travaillent ici.
Ils disent souvent qu’ils veulent être comme eux.
Ils veulent être dans la consommation autorisée.
Ils veulent consommer comme les gens qui travaillent ici, la même chose
que les gens qui travaillent ici. Vivre entouré de murs et de fenêtres,
rouler dans une ferraille à roulettes, avoir une femelle ou un mâle,
se reproduire.
Ils veulent la consommation des produits et des droits, la consommation de
l’amitié, du savoir, des relations, des maisons comme tout le
monde, des anniversaires, la consommation des vacances, des chaussures, des
restaurants, des téléphones, des voisins, des voyages, du son,
de l’air, la consommation de l’essence, la consommation de la mer,
du sable, du pain, des jeux, des vêtements, des montagnes, des médicaments,
des gâteaux, la consommation des études, des stages, des formations,
des émissions de télévision, des diplômes, des matches
de tennis, de football, la consommation de la vie, la consommation du monde
réel, de la réalité, de ce qui va de plus en plus vite,
de ce qui s’accélère, parce qu’ils aiment la vitesse
comme tout le monde, de plus en plus, la vitesse et la consommation de tout
ce qui mange le temps.
Samedi 15 avril 2006
On lance un produit sur le marché. On lance un nouveau marché.
Tous les jours les êtres humains lancent un produit et un
marché. C’est devenu un geste : lancer un produit,
lancer un marché.
Un marché de la consommation, un marché de la prévention,
un marché de la santé, un marché du modèle,
un marché du plaisir, un marché de l’inquiétude,
un marché de la construction, un marché alimentaire,
un marché de la génétique, de la sécurité,
de la prospective, de la religion,de la sagesse, des armes...
Les êtres humains consommateurs modernes ont de plus en plus
de marchés et de choses à consommer sur les marchés.
Jusqu’à devenir chose. Jusqu’à consommer
leur propre corps. Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Jusqu’à faire
du corps une chose. Jusqu’à faire le choix d’être
une chose dans la société des choses et des objets.
Le corps est une matière première. Avec un produit
pour la transformation. C’est en ce sens que l’addiction
est un comportement moderne. C’est le consommateur à l’état
pur. Il y a de l’idée fixe dans la consommation, de
la monomanie, de l’obsession. Les sociétés
d’accumulation à outrance, de consommation à outrance
et de gaspillage à outrance sont fortement travaillés
en permanence par le manque à outrance, l’excès
et les déchets à outrance. Le sexe se consomme comme
l’amitié, la famille, les relations, la nourriture,
les loisirs, la distraction, l’énergie, c’est
une consommation générale de l’échange
du temps du service du corps de la pensée du vide de la
place du père et de la mère de la famille du marché des
bébés des enfants des petits-enfants des listes comme
des excès, des excroissances, pour mieux répondre à la
profusion.
L’extase pour cinq euros.
L’absolu ment.
Le Bec en l'air, éditions
Liens
brisés
|